Mon parcours de cycliste au Japon

4 ans. Il aura fallu attendre 4 ans avant que je décide de m’acheter mon premier vélo au Japon. Et plus le temps passe, plus je me dis que le Japon est assez paradoxal vis-à-vis de ce moyen de transport qui depuis la pandémie et les inquiétudes écologiques devient de plus en plus populaire à travers le monde.

Un de mes vélos devant un tori

J’ai beaucoup de choses à dire sur le vélo au Japon et je pense ici aussi que cela mérite plusieurs articles dédiés. Pour le présent billet, je vais me concentrer sur pourquoi et comment je suis devenu “cycliste” au Japon. Je prévois d’en écrire un autre plus tard qui sera centré sur l’utilisation du vélo et les infrastructures.

À la recherche de la liberté

Si il y a bien un pays dans le monde qui peut être fier de ses transports publics c’est bien le Japon. Encore plus lorsque l’on vit à Tokyo. Entre les trains, les métros et les bus avec des réseaux hyper denses, on peut se rendre presque n’importe où sans grande difficulté.

L’incroyable réseau ferré de la préfecture de Tokyo, Yokohama et Chiba

Et pourtant, inspiré par mes différents road trips en voiture de location et mes randonnées régulières en montagne, j’ai commencé à vouloir me balader dans mon voisinage (comprendre quartier mais aussi villes voisines) de façon un peu plus loisir, profiter du joli temps au Printemps ou en Automne. J’aime beaucoup marcher et je peux le faire pendant des heures entières mais il faut avouer qu’on ne va pas bien loin.

Louer une voiture est très facile au Japon mais j’avoue qu’avoir mon propre véhicule me manquait un peu (je possédais une voiture en France). Pouvoir se décider de partir comme ça à la dernière minute et aller se balader où m’emmène la route était quelque chose que j’aimais beaucoup. Mais quelle que soit la façon dont je retournais la chose, acheter une voiture quand on est sur Tokyo est affreusement inutile, cher et contraignant.

C’est alors que j’ai commencé à envisager d’acheter un vélo:

  • C’est beaucoup moins cher qu’une voiture.
  • C’est quand même rudement pratique en ville (surtout pour se garer)
  • C’est mon propre véhicule, je peux décider d’aller où je veux et quand je veux.
  • Cela allonge considérablement la portée de mes balades comparé à la marche.

Le souci… Les montées.

Je fais du vélo depuis que je suis petit en mode balade du Dimanche mais j’ai arrété une fois que j’ai quitté le collège. Et si il y a bien quelque chose qui m’avait traumatisé, c’était les montées, collines et autres faux plats. Il faut dire que je n’étais pas très sportif à l’époque et qu’habiter en haut d’une colline qu’il fallait se farcir à chaque retour de balade n’etait pas très drôle.

Premier e-bike, premières balades

Avec tout ça en tête, et quitte à n’avoir qu’un vélo et pas de voiture, j’ai donc décidé d’investir dans un vélo électrique. Si je pouvais me débarrasser des montées avec un moteur et profiter du plat et des descentes tout en pouvant aller loin, cela semblait être la solution idéale… sur le papier.

Il faut savoir que les vélos électriques existent depuis un moment au Japon avec des grands acteurs comme Yamaha et Panasonic qui en vendent depuis les années 90 mais c’est surtout depuis le début des années 2010 que les ventes ont explosé (https://english.kyodonews.net/news/2020/02/d3e46e936cca-electric-bikes-gaining-in-popularity-in-japan-amid-graying-population.html).

La grande majorité de ces vélos électriques sont donc des vélos urbains et plus particulièrement des “mamacharis” (que l’on pourrait traduire par “vélo de maman”) qui sont souvent dotés de sièges additionnels pour pouvoir transporter jusque 2 enfants (jusqu’à 5 ans). Ils sont très souvent utilisés pour emmener les enfants à l’école.

Mamachari électrique Gyutto de chez Panasonic configuré avec 2 sièges + 1 panier !!!

C’est donc la catégorie des vélos urbains en général qui est la plus fournie en termes de choix et les e-bikes de type sportifs étant facilement 2 fois plus chers (compter 200 000-220 000 yens minimum soit environ 1600 euros), j’ai décidé de me concentrer sur cette gamme. Et c’est après maintes recherches j’ai choisi un Yamaha PAS City-X (payé environ 120 000 yens, soit 950 EUR au taux de l’époque), un vélo citadin électrique compact auquel j’ai attaché un panier pour pouvoir faire les courses avec.

J’ai donc commencer à l‘utiliser dans ma vie quotidiennepour faire les courses et mes premières balades se sont révélées agréables. Je me suis mis à explorer toute la zone dans un rayon de 10-15km autour de chez moi et j’ai trouvé exactement le sentiment que je cherchais:

  • Me balader à travers les différents voisinages, centre-villes et parcs.
  • Profiter du soleil et du beau temps, en plein air tout en faisant un peu de sport.
  • Voir les gens se balader et vivre leur vie à une allure qui reste suffisamment lente pour ne pas avoir l’impression d’être dans un autre monde (sentiment quand on est dans une voiture).
  • Le support du moteur électrique est vraiment bluffant, il amplifie chaque coup de pédale. On ne fait qu’une bouchée des petites montées et on repart extrêmement facilement de chaque feu rouge et stop. Je ne l’utilisais pourtant qu’en mode éco.

Note vis-à-vis des e-bikes au Japon, la réglementation est assez similaire à l’Europe, seuls les vélos à assistance électrique sont autorisés (il faut impérativement pédaler), une puissance maximale de 250W et l’assistance ne fonctionne pas au delà de 24km/h. Pas de machin qui vous amène à 35km/h d’un simple tour de poignée comme certains e-bikes dans d’autres pays plus laxistes. Et je trouve que ce n’est pas plus mal. Au Japon les scooters 50cc sont limités à 30km/h et nécessitent un permis, un casque, une plaque d’immatriculation et une assurance. Je n’ai pas trop envie de voir en les e-bikes des mobylettes/scooters déguisés.

J’ai utilisé mon e-bike comme ça pendant 1 an et j’ai parcouru environ 1200km alors que je ne commute pas avec. Mais paradoxalement, plus je roulais avec et plus j’ai eu envie de changer de vélo…

Le challenge sportif s’invite à la fête

Mon e-bike m’a fait réaliser que le vélo (même avec assistance) est très bon pour la santé. Sortir le Dimanche pour rouler quelques heures même en y allant tranquillement fait du bien au cardio. Il m’a aussi fait réaliser que les montées n’étaient pas si horribles que ça (surtout à Tokyo). Le souci que j’avais avec : sa géométrie citadine et compacte le rendait un peu bizarre quand je voulais faire des sorties vélo un peu plus sportives. C’est en effet à cette période que je me suis mis à la Spartan Race et au sport (https://carnetdunespatule.wordpress.com/2022/12/29/de-zero-en-heros-comment-le-sport-ma-change/) et j’étais devenu bien plus fort.

Sur le plat j’avais tendance à dépasser les 24km/h assez facilement et je me suis rendu compte que la majorité du temps passé sur mon e-bike se faisait avec l’assistance désactivée. Sauf que je me trainais tout le poids de la batterie, du moteur, du cadre renforcé tout le long. La vision d’un pratiquant d’arts martiaux avec des poids aux pieds et aux mains à l‘entraînement me vient directement à l’esprit.

C’est aussi à cette même période que j’ai fait l’erreur de commencer à regarder l’anime de Yowamushi No Pedal qui parle de course de vélos, d’aérodynamisme, de sprints et de surpassement de soi. 😅

Fin 2019, je me décide donc d’acheter un 2ème vélo orienté sport, pas tout à fait un vélo de course mais un hybride. Un Giant Crostar 2020 (payé environ 63 000 yens, soit environ 500 EUR à l’époque), en aluminium, 16 vitesses sur 2 plateaux avec un guidon droit et qui pèse tout juste moins de 10 kg. C’est la première fois que j’ai un vélo si léger, mon e-bike pesait 22kg et le VTT que j’avais étant ado pesait 13-14kg.

Je n’oublierai jamais la sensation la première fois que je l’ai enfourché à sa réception, pour rentrer entre la boutique de vélo et chez moi. La puissance libérée lors du premier coup de pédale, l’agilité et la légèreté du vélo, sa vitesse, ses pneus plutôt fins. Pour rigoler j’ai tenté une petite montée qui n’était pas loin de là et j’ai été surpris par l’aisance avec laquelle je l’ai gravie en utilisant les bonnes vitesses.

J’ai commencé à devenir accroc et tous les week-ends ensoleillés étaient un prétexte pour sortir encore plus loin, pédaler et aller plus vite, améliorer la puissance de mes jambes, tout en continuant de découvrir de nouvelles villes et paysages.

Puis 2020

Printemps 2020 au Japon, une période de 2-3 mois pendant laquelle tout le monde reste chez soi. Le monde bascule dans cette situation inédite due au COVID: confinements, télétravail, pénuries de papier toilette… Bien qu’ici le gouvernement ne pouvait pas imposer de confinement, la très très grande majorité de la population s’est pliée aux directives.

Et avec elles toutes ces belles journées de Printemps en intérieur avec le vélo flambant neuf au parking. 😩

C’est avec l’arrivée de l’été que les choses ont commencé à changer dans le monde. Les autorisations de sorties pour le sport en France (ou les prêts de chiens pour pouvoir sortir 😆), les restrictions contraignantes ont commencé à devenir un peu plus souples.

C’est à ce moment que j’ai utilisé de plus en plus mon vélo pour faire du sport. J’avais annulé mon abonnement à la salle de gym depuis le début de la pandémie et en général je n’étais pas rassuré par toute activité physique en intérieur. Au final le vélo me permettait:

  • D’être seul.
  • D’être en extérieur.

Ce qui en faisait probablement l’une des activités sportives les plus COVID friendly (même si il fallait rouler prudemment car être pris dans un accident et finir à l’hôpital n’était probablement pas la meilleure idée du moment). Je faisais également des exercices de types pompes et tractions dans les divers parcs que je rencontrais.

C’est en Août 2020 que j’ai ainsi réalisé ma première balade de 100km, un aller-retour entre Tokyo et Enoshima, histoire d’aller voir la mer.

Tout au long de l’année, il m’arrivait également de passer aux bureaux de temps en temps histoire de changer de mon appartement. J’avais de la chance d’être dans un étage avec quasiment personne. Et pour éviter les transports en communs, j’y allais en vélo (environ 6-7km dans un sens).

1 an après l’obtention de mon vélo hybride, et malgré les mois perdus dus au COVID, j’avais parcouru plus de 2500km.

Jamais 2 sans 3

Été 2021. Cela fait plus d’un an et demi que je n’ai pas vraiment voyagé (autre qu’en moto) ou pris de vacances. La situation du COVID est toujours un peu bizarre avec les differents variants même si c’est à ce moment que la vaccination a commencé et que en règle générale, la situation était moins “tendue” qu’auparavant.

La pandémie a à ce moment un impact tout à fait inédit sur le marché mondial du vélo. La demande explose littéralement et tous les constructeurs traditionnels sont débordés, les carnets de commande pleins, avec tout un tas de souci d’approvisionnement en composants comme les dérailleurs. Pour commander un vélo de course, il faut parfois attendre jusqu’à 6 mois ! (https://www.bicycling.com/news/a34587945/coronavirus-bike-shortage/)

En effet, beaucoup de monde s’est mis a vélo en 2020 et 2021, volonté d’éviter les transports en communs, certaines villes comme Paris ont commencé à se transformer et investir dans des infrastructures plus “bike friendly”.

Et donc fatalement, quand je vois un vélo de course disponible à ma taille dans une boutique locale avec écrit en gros “dernier exemplaire disponible”, je me suis retrouvé du jour au lendemain avec un 3ème vélo…

Bon je vous rassure, l’idée me trottait en fait dans la tête depuis plusieurs mois. J’avais déjà fait des comparatifs en tout genre et l’opportunité s’est juste présentée d’elle-même. Le cheminement a été un peu semblable avec le changement de vélo précédent. Plus je faisais du vélo de façon sportive avec mon hybride, plus je me demandais si cela ne valait pas le coup que je m’achète un vélo vraiment dédié au sport, qui me donne envie de sortir encore plus.

J’ai toujours été un fan de sports mécaniques comme la Formule 1. Avoir sa propre machine que l’on peut choisir, faire des recherches et la customiser au fur et à mesure pour en améliorer les performances en mode geek/passionné m’a toujours attiré (Gran Turismo 1 sur Playstation a aussi eu un rôle à jouer dans tout ça ahah). Dans des circonstances différentes (comme le pays de résidence), peut-être que j’aurai acheté une voiture. Au final je suis content que cela se soit soldé par un vélo.

Pour les curieux j’ai craqué sur un Giant TCR Advanced 2 Disc 2022:

  • Cadre en carbone
  • Dérailleurs, transmission et freins à disque hydrauliques Shimano 105
  • Capteur de puissance pour connaître instantanément la puissance que l’on développe sur les pédales. Pour quiconque veut se mettre au vélo en mode sportif, le capteur de puissance est un indispensable. La mesure de vitesse, de tours/minutes ou de fréquence cardique sont trop sensibles à d’autres paramètres.

Deuxième effet “KissCool”, j’ai de nouveau l’impression de redécouvrir le vélo. Encore plus léger, plus racé, plus stylé, je me suis demandé si c’est le sentiment qu’ont les gens qui s’achètent une voiture de sport.

Je me mets à faire des balades encore plus souvent et encore plus loin !

J’ai également décidé de convertir mon Giant Crostar en commuteur en lui collant des garde-boues, des pneus plus larges, un rack arrière et une paire de sacoches. Je m’en sers désormais pour faire les courses, aller à la salle de bouldering, aller chez mes amis qui n’habitent pas trop loin. C’est devenu mon vélo de tous les jours et je n’utilise mon TCR que pour les longues balades le week-end ou pour des entraînements sportifs.

Et mon vélo électrique ? Cela fait malheureusement 2 ans que je ne m’en sers plus et il faudrait que je songe à le revendre.

Autant pour un vélo ?

Quand on regarde les prix de certains vélos, surtout ceux de course, je comprends que certaines personnes puissent se poser la question de pourquoi certains sont prêts à payer 2000-4000 EUR voire plus pour un vélo même pas électrique (mon Giant TCR m’a coûté 300 000 yens soit 2300 EUR au taux de l’époque). Même si ces vélos sont fait dans un matériau avancé comme la fibre de carbone, on flirte facilement avec le prix d’une moto ou d’une petite voiture d’occasion, sans avoir de moteur, de capacité de transporter d’autres personnes et au final les jambes du cycliste restent l’élément le plus important.

Je voudrais tout d’abord insister sur le fait que le marché du vélo est large, très large et il y en a pour toutes les bourses.

Le plus important reste pour moi de trouver le vélo adapté à votre usage avant tout:

  • Si vous voulez juste un moyen de transport pour aller au boulot situé 5-10km de chez vous, prenez un vélo robuste, adapté aux tracas du quotidien citadin, avec des garde-boues pour quand c’est un peu humide. Pour ce genre d’utilisation vous pouvez probablement trouver un vélo urbain de seconde main à 50-100 EUR et même en neuf, il y a de bons vélos à 300 EUR.
  • Si vous voulez faire du vélo en mode un peu plus sportif, c’est tout à fait possible de trouver un ticket d’entrée aux alentours de 300-500 EUR chez des constructeurs comme Decathlon.

Le facteur optionnel qui est le responsable de l’existence de certains vélos plus chers est tout simplement le facteur “plaisir”.

Cela ne concerne pas forcément tout le monde, mais pour certains, trouver un vélo qui procure du plaisir est une raison suffisante pour investir plus. Si par exemple vous voulez faire du vélo en mode sportif, investir dans un vélo plus cher va vous donner un vélo plus léger, plus rapide à l’accélération, plus facile à amener dans les montées, vous permettre d’atteindre des vitesses plus élevées pendant plus longtemps.

Et il ne faut pas sous-estimer le fait que si vous vous amusez avec votre vélo, il vous motivera à sortir plus souvent avec. Par exemple, la démarche que j’ai faite quand j’ai transformé mon Crostar en commuteur (rechercher les équipements, le fait qu’il reste un vélo sportif) me fait même apprécier la moindre virée mondaine à la boulangerie.

Au final je pense que le vélo peut être considéré comme tout plein de choses différentes en même temps. Tout comme la voiture, le smartphone ou l’ordinateur peuvent l’être:

  • Il peut être un objet purement fonctionnel. Beaucoup de personnes sont dans ce cas et se contrefichent des specs du moment que l’objet réponde à leur besoin.
  • Il peut attirer les enthousiastes pour qui il est un objet qui les aide à assouvir une passion. Que ce soit les balades, le sport, la course ou les voyages etc…
  • Il peut être un outil de travail et investir peut aider à rendre le travail moins pénible ou même augmenter la productivité.

Et maintenant ?

J’ai environ 2000 km au compteur avec mon vélo de course et j’ai l’impression que je n’ai fait qu’effleurer la surface de ce que compte faire avec. J’ai maintenant fait plusieurs balades de 100km en partant de chez moi, je roule régulièrement pour des sessions de 20-30km en mode intensif pour développer encore plus ma puissance.

Mais je suis désormais attiré par le bikepacking et le touring. Je me suis acheté des sacoches et je compte m’acheter un sac de transport (appelé Rinko Bag ici) pour pouvoir transporter mon vélo dans le train et le Shinkansen afin de visiter des endroits situés plus loin et partir pour des virées de plusieurs jours.

Ready to roll!!!

J’ai également envie d’assister à plus d’événements pour cyclistes. Je vais par exemple participer à l’Alps Azumino Century Ride dans la Préfecture de Nagano (https://aacr.jp/) au mois de Mai avec des amis. Rouler sur 130km+ en mode balade au milieu des rizières avec les montagnes encore enneigées en fond avec un chemin parsemé de stands de ravitaillements offrant nourriture locale est un événement que j’attends avec impatience.

Et petit trailer de l’édition 2019, si ça donne pas envie ça !

Dans un prochain article je parlerai un peu plus de l’aspect réglementation, infrastructures, ressenti au niveau de la sécurité et comment le Japon malgré son manque de pistes cyclabes protégées peut quand même être considéré comme un pays incroyablement avancé en terme d’usage du vélo en milieu urbain.

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